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Impôt sur les successions : « Comment, au pays de l’égalité, en est-on arrivé à ce paradoxal consentement aux inégalités ? »

La France se distingue, on le sait, par une imagination fiscale exubérante, au point d’être devenue la championne des prélèvements obligatoires et d’ébranler le consentement des citoyens à l’impôt – un des piliers de la démocratie. Il a suffi que Michel Barnier assure, dès son arrivée à Matignon, qu’il ne s’interdisait pas de relever les impôts et de renforcer la « justice fiscale » pour relancer le débat sur ce sujet inflammable. Depuis, les ordinateurs de Bercy moulinent jour en nuit : taxe sur les grandes fortunes, hausse du prélèvement de 30 % sur les revenus du capital (flat tax), gel du barème de l’impôt sur le revenu des plus aisés, contribution de multinationales comme TotalEnergies, EDF, Engie, BNP Paribas, Stellantis ou CMA CGM.
On cherche en vain un relèvement de l’impôt sur l’héritage. La Cour des comptes a bien publié, le 25 septembre, le rapport sur les droits de succession commandé par l’« insoumis » Eric Coquerel, président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Elle recommande de raboter les niches fiscales bénéficiant aux plus riches – assurance-vie et pacte Dutreil exonérant en grande partie les cessions d’entreprise – afin de financer un allégement de la lourde fiscalité des transmissions aux collatéraux (frères-sœurs, neveux-nièces…). Mais la réforme se ferait à « rendement constant », la dégradation alarmante des finances publiques interdisant « une baisse de prélèvements obligatoires qui ne serait pas compensée par des économies ».
Le rapport ne se prononce pas sur une hausse de l’impôt successoral, rappelant juste qu’il est le plus élevé de l’Union européenne (4,1 % du produit intérieur brut, PIB). Et, du Rassemblement national aux Républicains et à Emmanuel Macron, désormais converti à la réduction de ceux-ci pour les classes moyennes, les partisans d’une baisse veillent, en entonnant l’antienne du poids des prélèvements (43,2 % du PIB) et de leur concentration : 10 % des ménages paient les trois quarts de l’impôt sur le revenu, près du tiers de la CSG et une bonne part de la TVA. Ainsi, les plus aisés financent-ils une redistribution qui permet de réduire de 20 à 5,6 l’écart de niveau de vie entre les 10 % des plus aisés et les 10 % les plus modestes.
Au pied de la montagne du déficit et de la dette (3 228 milliards d’euros), Michel Barnier a d’autres priorités que d’améliorer la redistribution. L’exonération de l’effort accordé aux classes populaires et moyennes tiendra donc lieu de « justice fiscale ». Il n’en confirme pas moins que l’alourdissement du plus vieil impôt, instauré en 1791, est devenu l’angle mort des politiques fiscales dans un contexte où il n’a cessé de baisser depuis les années 1960, jusqu’à disparaître dans de nombreux pays.
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